Derrière les panneaux il y a des hommes de Joseph Incardona
Sur le bord de la route, Pierre Castan ouvre les yeux.
L’habitacle de la voiture est une fournaise, la sueur coule dans ses yeux.
Pas envie de bouger, pas envie de vivre.
Mourir prend du temps, laisser la chaleur faire suinter cinquante litres d’eau dans un corps de soixante-quinze kilos.
Pierre connaît les symptômes qui vont venir, mais voilà, sur cette aire d’autoroute il y a des gens tout autour. Ils le sortent de la voiture, il s’ébroue.
« Foutez le camp ! »
Il reprend sa surveillance, une seule pensée, la dernière promesse qu’il doit tenir.
Pascal, lui, retourne sa viande, il contrôle le Mal qu’il a dans la tête jusqu’à la prochaine fois.
Les autres ne voient rien, s’il voulait, il pourrait les descendre là, tout de suite, mais il est gentil, il se contrôle.
Pascal passe la main sur son crâne et ouvre la fermeture Éclair, le Mal en sort.
Marie a douze ans, elle prend le menu enfant.
Un resto sur une aire d’autoroute. Marc et Sylvie, ses parents, passent leur temps à se faire des reproches.
Ces vacances à trois, c’est un peu leur dernière chance.
Ils demandent à Marie de sortir se dégourdir les jambes.
La gamine, sort, plutôt contente d’échapper aux prises de bec de ses parents.
Elle est grande, elle a compris. Tandis qu’elle passe au milieu des camions à l’arrêt, elle envoie des messages à sa copine.
Instinctivement, elle lève les yeux, un visage qu’elle vient de voir, une main qui s’écrase sur sa bouche et la voilà arrachée du sol pour se retrouver dans un espace clos.
L’Alerte Enlèvement est déclenchée, le 107.7, les télés, les journaux, les panneaux d’autoroute, les équipes cynophiles, tout le monde s’y met.
Julie Martinez, capitaine de gendarmerie et son second, Thierry Gaspard sont sur les dents.
L’hélico survole, les clébards reniflent, mais ils n’ont rien, pas la moindre image, pas le moindre début d’un petit indice.
La station-service est fouillée de fond en comble. Mais l’autoroute en plein mois d’août, c’est compliqué.
13h55, Marie Mercier quitte la table du restaurant pour prendre l’air, 15h15 déclenchement du plan Alerte enlèvement.
Ok, mais après, il ne reste que 26 % de chance de retrouver la gamine vivante, il faut prévenir les parents, les préparer au pire.
L’autoroute est vivante, il y a les voitures, mais aussi tout un tas de gens qui y vivent, certains depuis longtemps.
Ils n’en sortent jamais, ils ont créé une communauté de tout-venant qui survit en vase clos.
Marie n’est pas la première, Pierre Castan le sait, il traque le monstre.
Il pense avoir trouvé quelque chose. Il a vu la faune qui vit et sort sur les aires, ces caravanes qui ne bougent pas.
Certains ont pu voir, certains savent. Il entrevoit un schéma, une possibilité.
C’est sa vengeance, il l’a promis à Ingrid, il se l’est promis, il doit venger Lucie.
Avis du traqueur :
Un bouquin noir, incroyablement noir.
Des personnages bruts de décoffrage, des dialogues qui fusent, découpent, écrasent.
Une action qui ne s’arrête jamais, une tension maintenue tout au long du livre.
La noirceur à ce niveau devient poésie tant elle s’étale, s’infiltre partout.
Une histoire de vengeance, une histoire de pulsion, une histoire de survie et une traque poisseuse à souhait.
Du lourd dans l’émotion, un récit qui marque au fer chauffé à blanc.
Des boursouflures qui font des bleus à l’âme et qui laissent une drôle de sensation quand le point final survient.
Un grand merci à l’auteur Joseph Incardona pour cette plongée dans le ventre de la bête.
Une histoire le long de nos autoroutes, des airs sur lesquels nous nous arrêtons plusieurs fois dans l’année, l’envers du décor, avec cette vie qui existe.
ATTENTION, lecture pour adulte, c’est du lourd, du âpre, bref du noir plein de noirceur qui dégouline le long de nos doigts pendant que nous tenons le roman et que nos yeux courent le long de ses lignes noires.
Derrière les panneaux il y a des hommes de Joseph Incardona Édition Pocket
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