La disparue de Saint-Maur de Jean-Christophe Portes
Coup de ♥♥♥♥♥ du traqueur
Saint-Maur, 1791, l’hiver est glacial. La pluie verglaçante recouvre les bois. Au loin, on entend le cours d’eau couler.
À 16h00, le ciel est bas, la nuit semble recouvrir tout sur son passage, comme pressée de recouvrir d’un voile noir ce qui est en train de se dérouler. Malgré le froid qui la glace, Anne-Louise Ferrières quitte l’endroit où elle a grandi.
Elle connaît chaque pièce du manoir, y compris celle où tout a commencé. Celle de tous ses espoirs, ses rêves, ses passions et ses bonheurs intenses aujourd’hui déchirés, fracturés, anéantis.
Désormais, sa vie n’est plus la même. Ses rêves ont rejoint la réalité avec une brutalité froide et absurde d’une époque qui s’accroche à ses dogmes. Sa famille prête à tous les sacrifices pour conserver ses acquis.
Restent la tristesse et la douleur qui s’écrasent sur ses épaules.
Malgré tout, elle marche d’un pas vif, la tête couverte d’une capuche afin d’éviter toute indiscrétion. Elle se dirige derrière le manoir.
Pendant ce temps, Saint-Maur et ses habitants vivent leur vie et leur révolution. Anne-Louise Ferrières, elle, disparaît.
À Paris, la révolution se poursuit. Le peuple gronde et s’agite. La fuite du roi et son retour au château excitent la populace. Cerné de toute part, le roi tente malgré tout de garder un semblant de pouvoir.
La fusillade du Champ de Mars le 17 juillet 1791 résonne encore dans les rues.
On a tiré sur le peuple sans sommation.
Ceux qui pensaient être libres ne le sont toujours pas. Le pouvoir a changé de mains, mais les privilèges restent. Les noms changent, pas le principe. Une minorité tient les manettes et se remplit la panse.
Certains membres de l’assemblée constituante sont ouvertement corrompus.
La chance, pourtant, permet à quelques hommes sans nom à particule de faire fortune pour peu qu’ils s’intègrent au maelström du nouveau monde.
Des fortunes se font à une vitesse folle. Des hôtels particuliers poussent comme des champignons dans Paris.
Mais là encore, les petites gens, les invisibles crèvent de faim. Poussés à bout, on se trouve face à des fauves
Victor Dauterive, lieutenant de gendarmerie à Paris, est chargé par le colonel Hay d’enquêter sur la disparition d’Anne-Louise Ferrières.
Enfin, une première vraie mission. Officier de gendarmerie, Dauterive est très jeune. Il n’a pas encore vingt ans, mais il a déjà un parcours bien rempli. Précédemment, il a enquêté sur l’affaire du corps sans tête et l’affaire de l’homme à l’escarpin.
Son instinct et son implication dans chacune des enquêtes font de lui un enquêteur hors norme. Acquis aux nouvelles idées. Il n’en a pas moins oublié les autres. Il est profondément légaliste et humain.
Ses méthodes et son intellect ont permis à des faquins d’être mis hors d’état de nuire.
Son mentor, le marquis de La Fayette, l’a pris sous son aile et le protège d’un père despotique qui pourrait à tout moment faire jouer son pouvoir patriarcal car Dauterive n’est pas majeur.
Déjà, par le passé, il a essayé de l’enlever et y a presque réussi.
Après le massacre du Champ de Mars, La Fayette a quitté Paris.
Victor se rend à cheval à Saint-Maur pour enquêter sur la disparition de la jeune femme.
Le grésil a détrempé ses vêtements. Il est gelé, ses vêtements sont lourds et pleins d’eau. La route et les bois qu’il traverse sont dangereux.
Finalement, il arrive à bon port.
Il trouve Hacar, assesseur du juge de paix. Celui-ci le renseigne sur le petit village et lui donne quelques précieux renseignements sur la famille.
Anne-Louise Ferrières est la fille aînée du baron de Méry-sur-Oise. La famille habite un manoir au Mesnil à La Varenne près de Saint-Maur (ça, c’est pour les Saint Mauriens, cadeau!).
Ce sont des sangs bleus qui n’ont plus les moyens nécessaires et qui luttent comme ils peuvent pour sauver les apparences.
Dauterive se rend au manoir pour commencer l’enquête. Il tombe sur une famille agressive qui refuse de lui ouvrir la porte et l’éconduit.
Mandaté par son supérieur, Victor refuse le rejet. Il pénètre chez cette famille qui semble avoir décidé du sort de leur fille.
Par ce temps, plusieurs jours dehors ne veulent dire qu’une chose. Dauterive interroge la famille qui ne répond que contrainte et forcée.
Tous veulent qu’il reparte à Paris et les oublie. La peur du qu’en-dira-t-on.
Tout son instinct lui hurle que cette histoire n’est pas une simple histoire.
Il se heurte toujours à cette famille pour le moins étrange. Une jeune domestique lui demande de la retrouver derrière le manoir.
Quand il la rejoint, il entend son cri et la voit disparaître dans les flots de la Marne, portée par le courant. Elle tente de garder la tête hors de l’eau. Elle lutte quelques instants puis disparaît sous les eaux sans que nul ne puisse intervenir à temps. Personne n’a rien vu, ni entendu.
Victor sait que cette affaire va le hanter. Il poursuit son enquête et découvre qu’Anne-Louise Ferrières était fiancée avant que tout soit annulé deux ou trois ans plus tôt.
Une sombre histoire de dot. Quelques temps plus tard, elle a séjourné dans une abbaye à Cilliersy-le-Bel.
À peine, Victor arrivé sur place, il découvre un bâtiment sinistre. Il est en train de se vider de ses occupantes. Les biens de l’église sont tous en vente ou presque. Un noble du coin est bien décidé à le racheter pour en faire une affaire bien juteuse.
Le noble en question semble d’ailleurs très pressé. En inspectant le bâtiment, Victor essuie un coup de feu qui le manque de peu.
Décidément, tout le monde semble vouloir oublier le sort d’Anne-Louise.
Pas lui !
On retrouve le corps d’Anne-Louise.
On lui en refuse l’accès. Par un tour de passe-passe, il arrive à la voir. Armé d’une feuille de papier et d’un crayon, il la dessine le plus justement, ainsi que ses blessures. Il sait maintenant qu’elle a été assassinée. Les formes des blessures montrent un coup porté à la tête.
Dauterive doit retourner sur Paris. Son mentor est de retour et a des idées plein la tête. Bien que respectueux, Victor n’est plus aussi naïf. Il sait ce qu’il doit à cet homme, mais sait aussi qu’il a besoin de lui tant qu’il n’est pas majeur.
Le héros veut revenir dans la partie. Paris va élire son maire et La Fayette veut en profiter pour s’en servir de tremplin. Son adversaire, Jérôme Petion le devance de loin. La Fayette charge Victor de partir en Angleterre.
Petion y est allé plusieurs fois. Il veut savoir pourquoi, histoire de pouvoir salir la réputation de celui que le peuple a applaudi tandis qu’il ramenait le roi à Paris. Salir celui que l’on appelle Le Vertueux! Telle est sa mission!
L’enquêteur ne parlant pas anglais, son maître lui enjoint son pire ennemi. Antoine-Louis Charpier, ancien graveur, ancien commissaire de police, il est maintenant député et membre du Comité de surveillance de l’Assemblée nationale. Ensemble, ils quittent la France pour rejoindre la perfide Albion.
Avant de partir, Victor se confie à Olympe de Gouges, amie et écrivaine.
Féministe pleine d’audace et d’énergie, elle refuse d’abandonner l’enquête, révoltée de voir que tout le monde abandonne la morte.
Puisque personne ne prend le temps d’enquêter, elle va s’en charger.
Avis du traqueur :
Un vrai coup de cœur du traqueur.
Deux histoires bien distinctes qui se rejoignent dans une fin aussi bouleversante que prenante.
L’auteur nous plonge avec talent et un sens du rythme hors norme dans un moment capital de notre pays.
Il arrive à nous faire ressentir cette révolution qui dura trois ans. Trois ans où tous les coups les plus tordus arrivent. Des hommes et des femmes s’engagent dans un bouleversement des paradigmes. Ceux qui ont tenu les rennes se retrouvent à la merci de tous.
C’est la foire d’empoigne. Tout le monde veut sa chance.
On suit ce jeune gendarme qui a une âme d’artiste et qui observe tout ce qui l’entoure d’un œil curieux, précis et plein de justice.
Son sens de l’observation nous permet de visualiser les rues, les routes, les campagnes.
On ressent chaque situation, chaque action au plus profond de nous.
Et cette Olympe de Gouges, femme engagée qui avance vaille que vaille.
Dauterive nous montre les arcanes du pouvoir, mais aussi la vie de tous les invisibles, les transparents. On découvre toutes les strates même les plus élevées.
Victor refuse de profiter de ce qu’il n’a pas gagné de ses mains.
Jean-Christophe Portes nous fait découvrir des moments capitaux de notre pays. Tout en étant précis, il nous entraîne dans le pas de personnages très représentatifs d’une époque.
Ils ont connu l’avant, ils vivent l’après.
Nous découvrons surtout une histoire différente de celle que l’on connaît.
Une reconstitution pleine de peps et des rencontres toutes plus passionnantes les unes que les autres.
Un thriller historique qui vous attrape dès les premières lignes et ne vous lâche qu’à la toute fin.
En plus, l’auteur est malin en ajoutant Saint-Maur dans l’équation.
Merci pour m’avoir fait découvrir ma ville comme jamais.
Un sacré auteur pointe le bout de son nez et vous savez quoi?
C’EST BON COMME DES CHOUQUETTES A DÉVORER
Coup de ♥♥♥♥♥ du traqueur
La disparue de Saint-Maur de Jean-Christophe Portes chez CITY Édition
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