Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig
CE LIVRE EST PHÉNOMÉNAL
L’action se déroule aux environs de 1904, sur la Riviera.
C’est l’été, dans une jolie pension de famille sur la Côte d’Azur du début du siècle. La haute bourgeoisie s’y réunit.
Tout le monde vit selon les règles édictées.
Entre ces murs, va survenir un événement aussi soudain qu’inattendu.
Un jeune homme entre dans la pension. Il est élégant, courtois et présente bien sans faire parvenu.
Il est capable de discuter de nombreux sujets avec aisance.
En quelques heures, il attire l’attention générale et la sympathie de tous.
Les hommes sont conquis, les femmes surprises et séduites.
Vingt-quatre heures passent et le scandale éclate !
Mme Henriette, une femme d’une trentaine d’années, mariée à un riche industriel et mère de deux enfants, s’est enfuie avec le jeune homme.
Elle laisse derrière elle toute sa vie y compris ses propres enfants.
Le narrateur va jusqu’à décrire précisément le nombre d’heures que cette femme et cet homme ont passé ensemble avant qu’ils ne s’enfuient.
Seules quelques heures ont suffi pour que cette femme prenne cette décision irrévocable.
Il y a deux camps :
Ceux qui pensent que Mme Henriette et ce jeune homme se connaissaient avant et se sont rejoints avant de partir.
Le narrateur, lui, fait partie de l’autre camp.
Seul, il tente de comprendre ce qui a pu arriver pendant ces quelques heures.
Il décrit avec précision ce qui est arrivé pendant ces dernières vingt-quatre heures.
Il soutient qu’il est possible que quelques heures suffisent pour prendre une décision irrévocable et choisir de changer de vie.
Le camp d’en face affirme qu’une telle décision est infamante et qu’il est inconcevable qu’un tel choix se fasse en quelques heures.
Le narrateur tente de soutenir son avis lors de discussions autour d’une table.
Le ton monte, les visages se crispent et commencent à rougir de colère. Les convives sont prêts à en venir aux mains quand une dame d’un âge certain fait son apparition.
C’est Mrs C.
Sans que personne ne l’ait entendue venir, une vieille aristocrate anglaise très distinguée intervient dans la discussion.
Avec intelligence et tact, elle met fin aux rixes sur le point d’éclater.
Curieusement, cette femme semble vouloir se confier au narrateur.
Mrs C. a été touchée par son discours mesuré.
Il est le seul à ne pas jeter des cailloux à Mme Henriette.
Quelque chose qu’elle a vécu des années plus tôt et qu’elle n’a jamais dit à personne.
Elle a envie de tout raconter à quelqu’un.
Elle ne peut pas lui en parler, elle va lui écrire cette histoire.
Un récit passionnant et passionné d’une rencontre foudroyante qui lui fit vivre des moments et ressentir des sensations qu’elle n’a plus jamais vécues de nouveau.
Son corps a brûlé comme jamais !
Des années plus tôt, alors que sa vie filait sans qu’elle ne ressente rien, elle fit une rencontre qui la bouleversa.
Veuve, des enfants grands et qui vivent leur propre vie, elle passait d’une ville à l’autre sans goût ni saveur.
Son seul plaisir, pratiquer un jeu que son mari lui avait appris lors de leur mariage.
Dans les cercles de jeux, elle observe les mains des joueurs.
Pas les visages, ni les regards juste les mains.
Les joueurs professionnels sont capables de garder un visage de cire, complètement immobile afin de tromper l’adversaire. Les mains, elles, restent actives.
C’est l’instinct primaire qui parle.
Qui plus est, en prenant le temps de les observer, on découvre que les mains sont fascinantes.
Chacune est différente.
Viens un jour où elle tombe sur des mains qui la touchent.
Elle décrit avec précision sa rencontre avec ce joueur sur le point de mourir. Elle écrit comment et pourquoi elle décida de le sauver.
Avis du traqueur :
Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig est probablement l’un des romans le plus délicat que j’ai lu jusqu’à maintenant.
L’auteur crée des personnages d’un réalisme bluffant qui nous donnent une réalité de tous les instants.
Du narrateur qui séjourne à l’hôtel à Mrs C. qui nous dévoile son histoire.
Zweig prend le temps de nous décrire l’arrivée du jeune homme dans la pension.
Il est français, en même temps, rien de plus normal (hihihihi).
Beau gosse et dépensier !
Très exactement, vingt-quatre heures passent.
Mme Henriette, épouse et mère de deux enfants, s’enfuit en laissant son ancienne vie derrière elle.
La situation déclenche des débats houleux, des propos et parfois des disputes.
L’auteur confronte les points de vue d’une bourgeoisie enfermée dans des codes verrouillés aux idées plus ouvertes du narrateur.
Comment est-il possible qu’une femme puisse tout quitter et prendre ses propres décisions.
Si l’auteur soutient que c’est possible, il oblige les lecteurs à remettre en cause la place des émotions et de ce que l’on est capable d’enfreindre quand on choisit de le faire parce que l’on peut le faire sans déclencher la foudre.
Alors que le débat s’échauffe, l’auteur fait intervenir un autre personnage.
Une dame âgée, Mrs C. Cette femme est un personnage touchant.
Zweig adapte son écriture aux interlocuteurs qui ont raconté leurs histoires.
Comme une mutation, les mots égrainés se font plus légers, plus charmants, plus doux.
Avec une délicatesse rare, beaucoup de pudeur et de retenue, elle demande au narrateur si elle peut lui confier par écrit une aventure qu’elle a vécue elle-même autrefois, à l’âge de quarante ans.
Commence alors la seconde histoire.
Elle raconte avec une émotion brûlante tout ce qui va lui arriver, heures après heures.
Il décrit chaque situation avec des détails qui prennent vie devant nos yeux.
On assiste à une formidable rencontre et à la naissance des sentiments et d’émotions d’une violence rare.
Stefan Zweig est un auteur qui arrive à déposer devant nos yeux une histoire d’une finesse inouïe.
Une étude anthropologique et ethnologique passionnante sur l’homme.
Zweig réussit à décrire le ressentit humain avec des mots.
Par la même occasion, il choisit de nous décrire la psychologie du joueur.
Quand j’ai commencé à lire ces phrases sur les mouvements des mains, j’ai littéralement été saisi.
Si un jour, vous en avez l’occasion, regardez les mains des gens autour de vous, vous ne les regarderez plus de la même manière.
Ce roman est paru en 1929.
Un roman à dévorer comme des chouquettes.