Surface de Olivier Norek

Chouquette d’or

Noémie Chastain est capitaine dans la PJ parisienne. Elle est à la tête d’un groupe des Stups. Alors qu’ils sont à la porte d’un trafiquant pour l’arrêter, l’opération tourne mal. L’homme décharge son arme sur son visage.

Elle survit par miracle, mais restera défigurée. Son visage ressemble à un « steak mâchouillé et recraché ».

Elle fait tâche dans les bureaux tout neufs. Elle rappelle à tous les flics qui l’entourent que leur métier est dangereux.

Après sa convalescence, elle retourne au Bastion, le nouveau 36. Elle échoue au test de tir de reprise. Elle ne peut plus porter son arme.

Dénoncé par Adriel, son second et accessoirement son compagnon, elle se retrouve seule.

Pour surnager, elle abandonne Noémie et devient No, juste No.

Sa hiérarchie l’écarte avec la ferme intention de la mettre dans un joli placard à balais.

Son patron l’envoie à Decazeville, dans l’Aveyron.

Elle part pour un mois avec une mission bien pourrie. Les coupes budgétaires étant ce qu’elles sont, Paris décide de fermer le commissariat du coin et de laisser la main aux gendarmes. Elle doit faire un rapport sur la criminalité.

La gare de Viviez est calme, très calme, voir déprimante.

Le paysage est très différent. Plus de tours qui frôlent les nuages, plus de pollution grise qui enserre la ville et plus de bruits constants qui bourdonnent et bouillonnent.

Le lieutenant Romain Valant l’accueille à la gare. On sent que leur relation va être pleine de peps. Des échanges pleins d’humour noir teintés de respect.

Le commissariat de Decazeville est en charge de cinq communes. Un terrain de jeu aussi grand que Paris, mais avec un ratio d’habitants un chouille différent.

Là où Paris réunit deux millions habitants, ici, on en recense quinze mille, et des moutons, si si.

Peu de crimes, des broutilles rapidement expédiées. Le dernier homicide remonte à cinq ans. Choc des espaces et des temporalités, elle va avoir le temps de se retaper.

Valant lui fait découvrir la région avant de la déposer chez elle.

Elle garde un lien avec la seule personne qui l’aide à se reconstruire. Melchior, le psychologue qui la suit depuis son réveil à l’hôpital. Leurs rapports sont francs et directs.

L’homme a bien compris qui elle est et fait tout pour qu’elle remonte la pente. Cette mission qu’elle craignait la stabilise. Cette région, tellement différente de sa vie parisienne, l’oblige à prendre plus de temps et de distance avec son passé.

Une nuit, alors qu’elle fait l’un de ses rêves pleins de mystères, elle en est tirée par les hurlements déchirants d’un chien. Ce ne sont pas les premiers qu’elle entend.

Elle a bien vu un clébard tourner autour de la maison, mais il ne s’est jamais approché.

Elle s’en rappelle parce qu’elle lui avait trouvé des airs à elle. Une gueule cassée et un corps tout bizarre. Elle sort du lit et va en direction des hurlements. Il pleut à verse, l’eau a alourdie ses vêtements.

Elle trouve la maison. La scène qui se déroule devant ses yeux la révolte. Bien qu’elle soit trempée jusqu’aux os et qu’elle tremble comme une feuille, elle braque le voisin qui cogne son chien.

À Paris, elle avait un chat, ici, elle récupère un chien tout cabossé. Les jours passent avec leurs lots de petits délits et de découvertes. Elle découvre son équipe. Ils sont trois. Le brigadier Bousquet, transfuge des Stups de Marseille depuis six ans. Le gardien de la paix Solignac, un bébé flic, du pur produit bio, élevé au lait de chèvre. Tout le monde le surnomme Milk. Puis le lieutenant Romain Valant, celui qui l’a accueillie à la gare.

Ils forment le Groupe d’Appui Judiciaire (GAJ).

Elle découvre son nouveau patron, le commandant Roze. Un flic qui a passé toute sa vie dans le même commissariat, la même région, avec les mêmes gens, à traiter les mêmes crimes.

No apprécie son honnêteté et son franc-parler.

Les affaires commencent par la découverte d’un corps. Arrivée sur place, No déclencher toutes les procédures habituelles et secoue tout le monde.

Son cerveau travaille toujours en mode PJ parisienne.

À peine revenue, Roze lui explique gentiment qu’elle peut relâcher un peu la pression. Il a fait annuler ses demandes.

La province ne fonctionne pas comme Paris. Il faut prendre le temps d’écouter, de voir et surtout de comprendre. Tout comme la vie qui passe, les crimes y sont différents.

Parfois, ce qui ressemble à un accident domestique reste un accident domestique.

L’expérience et la diplomatie de Roze permettent à Noémie de respirer un peu.

Pour un peu, elle pourrait juste attendre que les jours passent.

Et puis, non, on découvre le corps d’un enfant dans un fût. Un pêcheur l’a sorti du lac.

Le passé de la région vient d’expulser une partie de son histoire à la surface de l’eau. Des souvenirs que certains auraient bien oubliés.

Vingt-cinq ans plus tôt, un barrage a été construit. Au même moment, trois enfants avaient disparu. Un certain Fortin avait été accusé.

Il s’était enfui. On avait juste retrouvé un véhicule brûlé. Pour le reste, aucune preuve de rien, juste de la haine envers un homme et des tragédies non résolues.

L’ancien village a été englouti et les souvenirs recouverts de plusieurs tonnes d’eau.

Le corps d’un enfant vient de percer la surface des eaux calmes du lac. Il va y avoir de l’agitation dans la région. La presse arrive et a beaucoup de questions.

Le corps est bien celui d’un des enfants disparus.

Un corps retrouvé, restent deux. Si le corps vient du village englouti, tout laisse croire qu’il faut chercher les deux autres au même endroit.

No va tout secouer.

Elle se jette à corps perdu dans l’enquête. Elle réorganise tout son service et remonte ses hommes comme des coucous suisses.

Elle lance tous ses hommes sur la moindre piste, la moindre zone d’ombre.

Trois enfants ne disparaissent pas comme cela dans une région où tout le monde s’observe. Il y a toujours quelqu’un qui voit quelque chose.

Pour une mise sur la touche discrète, c’est pas de chance. Toutes les presses sont présentes et la regardent.

C’est une enquête atypique.

No sait qu’elle va devoir travailler différemment pour trouver des réponses. Elle va devoir créer des remous pour provoquer des réactions.

Explorer des pistes de travail vieilles de vingt-cinq ans n’est pas anodin.

Trois familles sont meurtries et n’ont toujours aucune réponse.

Où sont passés les enfants ? Qui les a tués ?

Autant de réponses auxquelles No a bien l’intention de répondre.

D’abord, elle fait venir la brigade fluviale de Paris pour inspecter sous le lac.

Relancer une enquête sur des personnes dans une région où tout le monde se connaît peut s’avérer risqué. On a tous des secrets que l’on préfère préserver.

Les premières réactions ne tardent pas.

Certains prennent peur.

No a réveillé l’ogre qui dévore les enfants. Il va chercher à tout détruire.

Avis du traqueur :

Une chouquette d’or qui donnent la moelle. Norek nous surprend encore en changeant son style d’histoire.

Un cold case, fallait oser. Norek crée un univers encore complètement différent de ses précédents romans.

L’auteur axe toujours ses récits sur des personnages prenants.

Là, il choisit une femme flic cabossée par son métier. Il lui donne une force de caractère puissante et la dote d’un franc-parler qui va permettre des échanges savoureux.

Des réparties et des saillies verbales qui donnent du rythme aux dialogues et provoque de vrais rires.

L’histoire nous ancre dans une réalité frappante. Un humour décapant, des dialogues au cordeau, ça sent bon le son et l’image tout ça, j’dis ça, j’dis rien.

L’enquête est une suite de petits twists qui nous permettent de mieux connaître la région et les personnages qui gravitent autour de l’enquête.

Norek nous fait découvrir des régions parfois décriées qui vivent sans attendre que la capitale ne les nourrisse. Elles s’adaptent et évoluent avec leur temps.

Des personnages forts

Il met une héroïne, qui est du pur produit parisien, et la transplante dans un univers complètement différent. Cela garantit de grands moments. Elle doit se retaper pour reprendre sa place.

En attendant, elle se répare dans une région différente qui l’accueille et lui laisse le temps.

On voit aussi comment un policier peut être frappé par un drame et comment il se reconstruit.

Le talent de Norek est de mélanger les genres. Il associe une enquête avec une reconstruction et un passé à dénouer.

Des moments magiques comme cette plongée superbe au beau milieu des maisons englouties.

Quand ce flic de la fluviale entre dans la maison communale, on est saisi par la force du ressenti et la gravité du moment. On sent toute la puissance de la pression de l’eau et de l’intensité du moment.

À ses côtés, on entend les bruits sourds de la maison qui vit, écrasée par des tonnes d’eau.

Après le triptyque Coste très urbain, après ce voyage dans la jungle de Calais où il nous a montré ce que personne ne désirait voir, Norek nous embarque dans une province qui revient à la vie, mais qui doit résoudre son passé pour avoir un avenir.

Une histoire qui prend les tripes tant par ce qu’elle raconte que par les personnages de nous découvrons.

Et Noémie, No, qui déborde d’énergie.

Une belle chouquette d’or

    Chouquette d’or

     Surface de Olivier Norek Éditions Michel Lafon

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