La femme de paille de Catherine Arley
Coup de ♥♥♥♥♥ du traqueur
À trente-quatre ans, Hildegarde Maenër ne cherche pas l’amour, elle n’y croit plus depuis longtemps.
Pourtant, chaque semaine, elle lit les petites annonces dans le courrier du cœur du journal.
Rien à voir avec des rêveries romantiques ou une quelconque envie de partager une histoire d’amour, non-là, elle fait dans le pragmatique. Elle veut des sous.
La médiocrité qui l’entoure la dégoutte. Toute sa vie n’a été qu’une suite de désillusions. Elle veut sa part du gâteau.
Mare des privations et de la petitesse du quotidien, elle veut du bon et du beau, même si pour cela, elle doit mettre de côté certains principes.
Ce ne sont pas les beaux principes qui remplissent l’assiette et donnent un toit agréable !
Elle a réglé le problème des sentiments depuis belle lurette. Prends ce que tu veux quand tu le peux, le reste est à l’avenant.
La Seconde Guerre mondiale a tout ravagé. Son pays est en ruine. Sa ville, Hambourg tient à peine debout. Tout n’est qu’un tas de gravois, gris et sale. Qui plus est, son pays est sous les feux de tous les courroux, et ce, pour de nombreuses années.
Elle n’a plus rien et l’avenir n’est pas engageant. Il ne lui reste plus rien à part ce qu’elle est.
Si elle veut s’en servir à bon escient, elle doit se dépêcher et prendre ce qu’elle veut, vivre. Les années passent et ne vont pas améliorer son quotidien.
Elle cherche une chance de faire fortune, que lui importe les moyens. Elle n’a besoin que d’une toute petite chance et elle la saisira.
Un jour, pendant qu’elle lit les petites annonces du cœur, elle la trouve. Cette petite chance qui pourrait changer sa vie. Elle l’a attendue, elle se promet de tout mettre en œuvre pour y arriver.
Un vieux millionnaire cherche une femme pour se marier. Il est immensément riche, mais odieux au possible et raciste. Il cherche une femme, Hambourgeoise de préférence, n’ayant jamais été mariée, mais connaissant la vie. Au moins c’est clair. Elle ne doit avoir aucune famille ni aucune attache, là encore, c’est parfaitement clair. Bref, une femme pour lui tenir chaud et satisfaire ses besoins.
Elle prend le temps de faire plusieurs brouillons et répond au courrier.
L’attente commence.
Alors qu’elle pense avoir échoué, elle reçoit une réponse. Sa lettre a retenu l’attention du demandeur. Elle est attendue à Cannes, avec des billets d’avion et une chambre retenue au Carlton.
Elle est invitée par le factotum de l’homme qu’elle est censée épouser.
C’est l’homme de confiance du millionnaire. Hildegarde comprend vite qu’elle se trouve face à l’homme qui va pouvoir changer sa vie.
Il est intelligent et particulièrement retord et manipulateur.
Commence alors entre eux un jeu entre ces deux survivants bien décidés à profiter de ce que la vie leur réserve tout en tentant par tous les moyens de faire pencher la balance à leurs côtés.
Elle va devoir se battre pour réussir, comme tous ceux qui n’ont rien à perdre. Elle a, de son côté, une détermination sans aucune limite.
Avis du traqueur :
Avant tout, je veux m’excuser de ne pas connaître cette auteure complètement atypique et en avance sur son temps.
Pour ceux que cela intéresse, restez pour la biographie parce que sa propre vie est une suite de batailles et d’aventures.
Elle a inventé le roman à suspense immoral à la Française. Elle utilise des individus sans scrupules, mais aussi terriblement réels.
Elle est avant-gardiste et les éditeurs français ne la suivent pas. Un seul livre et s’en va !
Elle sera publiée par une entreprise d’Éditions Suisse qui vendra plusieurs millions d’exemplaires de ses romans. Il y aura des films et des pièces de théâtre tirés de certains d’entre eux.
Elle est aussi une des seules auteures françaises à cartonner en Asie.
Ce qui me place dans une situation qui ne me plaît pas, je n’ai jamais entendu parler d’elle.
Je lis du polar depuis plus de trente ans, les années passent vite que voulez-vous ! Malgré cela, je suis persuadé de n’avoir jamais entendu parler de cette femme.
Même lorsque j’ai voulu faire sa biographie pour la chronique, je n’ai trouvé aucune photo d’elle, rien, que dalle.
Je n’ai aucune certitude sur le fait qu’elle soit vivante ou pas, en tout cas rien de sûr.
J’ai plusieurs sources qui me rapportent qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer, mais rien de plus précis.
Ses ayants droits ont déjà dû rectifier le tir quand quelqu’un a rapporté sa mort alors que ce n’était pas le cas.
Cette femme a su créer une écriture qui ne vieillit pas.
Les Éditions Lemasque ont réédité certains de ses romans.
Son premier roman, Tu vas mourir, est publié en 1953 mais c’est son deuxième roman, La femme paille, qui l’a fait connaître au monde.
Les éditeurs français passent à côté, pas les Suisses.
La femme paille est adaptée en film avec Sean Connery et Gina Lollobrigida, pour celles et ceux qui ne connaissent pas l’actrice, elle est sublime dans Fanfan la tulipe avec Gérard Philippe. Pour l’acteur Sean Connery, non là pas d’accord, tout le monde doit le connaître.
Le roman, La femme de paille, est publié en 1954 avec une écriture complètement contemporaine.
Elle arrive à capter notre attention.
Son truc à elle, c’est de ne pas mettre des gentils en avant. Elle joue sur l’humain. Elle place ses personnages dans des situations difficiles. Elle choisit, en toute conscience, d’en faire des individus immoraux.
Des survivants capables de faire du mal tout en gardant un certain sens de l’humour. Elle le fait avec talent.
Patricia Highsmith, avec un M. Ripley, crée un personnage glaçant et malfaisant qui pourtant arrive à obtenir ce qu’il veut en commettant tous les outrages qu’il estime nécessaires pour en arriver à ses fins.
Le crime payerait-il ?
Hou la là, des situations délicieusement immorales !
On entre dans des univers différents. Très peu d’auteurs s’y aventurent parce que tout est une histoire d’équilibre entre les différents actes et les personnages.
Catherine Arley, de son vrai nom Pierrette Pernot, crée des thrillers psychologiques qu’elle construit pas à pas.
Elle installe ses personnages et les met dans des situations qu’elle développe jusqu’au bout.
Dans ce roman, la préface décrit un peu le parcours de cette auteure atypique peu reconnue à son époque par son propre pays et pas vraiment reconnue maintenant non plus.
En faisant quelques recherches sur cette femme, j’ai été frappé par sa volonté et son anticonformisme. Elle semble avoir bravé les principes et être allé au bout de ce qu’elle désirait.
On lui prête certaines déclarations qui font plaisir à lire.
Une écriture juste et complètement intemporelle. Un roman qui m’a accroché dès les premières liges pour me garder jusqu’à la fin.
Coup de ♥♥♥♥♥ du traqueur
La femme de paille de Catherine Arley Éditions Lemasque
Pour vous procurer ce livre:https://amzn.to/2NpYngf