La pâtissière de Long Island de Sylvia Lott
Rona, est une jeune Allemande de quarante ans qui vient de vivre des moments difficiles dans sa vie privée et professionnelle. Elle est un peu paumée et a du mal à se sortir la tête de l’eau. Sur un coup de tête, elle décide d’accompagner son grand-père aux États-Unis pour les 90 ans de Marie, sa grand-tante.
Elle la connaît peu, mais c’est une figure atypique dans sa famille.
Dès qu’elles se rencontrent, les deux femmes s’apprécient. Un peu comme une évidence, elles se trouvent.
Marie sait qu’elle est arrivée à un moment de sa vie où les souvenirs ont tendance à disparaître. Sa mémoire lui joue des tours.
Avant qu’il ne soit trop tard, elle doit transmettre ce qui lui a été offert. Elle sait qu’elle doit trouver la bonne personne.
Rona sera celle qui recevra ce cadeau. Elle saura garder le secret.
Marie décide de lui raconter son histoire.
Pourquoi et dans quelles conditions, elle a émigré aux États-Unis et surtout, ce qui l’a aidé dans sa manière d’aborder la vie.
Pour la première fois, elle va transmettre la fameuse recette tenue secrète du cheesecake qui a tant influencé sa vie.
Retour au passé, en 1932, en l’Allemagne.
Marie a 19 ans, elle vit en Frise orientale. La campagne allemande est superbe, mais la vie y est dure. La période d’après-guerre est terrible. Le pays est plongé dans une pauvreté absolue. Marie est déjà une jeune femme pleine de rêves et de romantisme. Elle tombe très amoureuse d’Arthur. C’est un jeune professeur plein d’entrain et d’ambition, mais il est protestant. Quand son père l’apprend, sa colère est terrible. Il veut ce qu’il y a de mieux pour sa fille et ce professeur ne fait pas partie de l’équation. Il prend alors une décision radicale.
Il était prévu que le frère de Marie émigre en Amérique. La famille renverse la vapeur, c’est Marie qui partira à sa place. Elle va rejoindre ses frères qui ont déjà émigré à New-York.
Marie vit la traversée en bateau partagée par la tristesse de la séparation de l’homme qu’elle aime, l’éloignement de sa famille, mais déjà, pleine de curiosité, elle regarde et observe ce qu’il y a autour d’elle.
Tout est nouveau, y compris cet avion postal sur le bateau qui est projeté dans les airs pour que les lettres arrivent plus tôt que les passagers aux États-Unis.
Marie sait que ses frères ont déjà créé un Pub. Elle a hâte de les retrouver et de tout voir de ses yeux. Une certaine déconvenue la frappe quand elle voit que le fameux Pub à Brooklyn est un assemblage de planches qui forment un bâtiment. Mais elle n’est pas là pour se lamenter. Il y a de l’électricité, avec de l’huile de coude et de l’imagination, tout est possible. Cette ville est pleine de contrastes. La pauvreté côtoie la richesse.
On découvre les États-Unis à travers les yeux de Marie.
Tout est plus gros, plus grand, plus haut. La ville est en mouvement constant. Elle ne dort jamais.
C’est aussi un pays où tout est possible pour ceux qui sont prêts à travailler dur. Un monde en plein essor qui accueille les migrants qui viennent du monde entier. Ils viennent tenter l’aventure et se donner une chance d’avoir un avenir.
Les quartiers regroupent les différentes communautés. Les Russes sont aux côtés des Polonais tandis que les Irlandais côtoient les Italiens. Marie aime se promener pendant son temps libre. Elle découvre Manhattan, le cœur de la ville. Un endroit qui évolue chaque jour. Des tours gigantesques poussent comme des champignons.
Elle est le témoin privilégié de la construction de l’Empire State Building. Elle prend le temps de vraiment découvrir tous les endroits aussi différents que Long Island, mais aussi des Hamptons avec ces maisons splendides qui la font rêver.
Marie veut gagner son propre salaire sans dépendre de ses frères.
Le pays s’y prête et elle est bien décidée à se prendre en main. Déjà, elle a installé son fameux cheesecake au menu du Pub et le succès est fulgurant. Mais cela ne lui suffit pas. À travers son travail à l’usine des surgelés, on assiste à la montée en puissance du syndicalisme et aux grèves.
Marie prend de l’assurance.
Elle découvre les cosmétiques. Elle choisit de s’affranchir des normes et devient plus femme. Des figures féminines d’artistes et de journalistes du moment ont une grande influence et donnent la possibilité aux femmes de s’émanciper. La place des femmes évolue.
Malgré tout, Marie est toujours amoureuse d’Arthur.
Ils s’écrivent tout le temps. Marie lui raconte tout ce qu’elle voit et ressent. Elle désire lui faire découvrir ce fabuleux pays qu’il pourra rejoindre et où ils pourront construire leur propre avenir ensemble. Elle lui décrit ce qu’elle voit et ce qu’elle découvre. Elle-même a évolué, à travers leurs échanges épistolaires, on découvre l’apparition du fascisme en Allemagne.
Arthur est séduit par l’idéologie du fascisme et est embarqué dans les camps de jeunesse hitlérienne. Ses propos deviennent de plus en plus nationalistes et antisémites.
Quand Arthur arrive aux États-Unis, Marie n’est plus une petite oie blanche qui s’exécute, c’est une femme qui gagne sa croûte et pense par elle-même.
Une nouvelle vie va commencer et quelle vie…
Avis du traqueur :
Avant de commencer à vous donner mon avis sur ce roman, petite mise au point : ras-le-bol de l’expression Feel-good, cela ne veut rien dire.
C’est réducteur !
Ce roman nous fait passer de bons moments et l’idée de prendre un cheesecake comme fil rouge est intelligent. Il faut arrêter d’utiliser ce terme Feel-good pour des romans de ce type.
Ce qui m’a le plus intéressé est la plongée extraordinaire dans le passé. Cette partie du roman, les années 1930, qui retrace le destin de Marie est passionnante.
Plein d’humour, de tendresse et surtout très réel.
Une histoire touchante et attachante. L’idée d’utiliser le fameux cheesecake est intéressante. Cela permet d’associer de nombreuses situations et ouvre toutes les portes.
À travers cette recette, on aborde aussi la transmission, la filiation, le partage, mais aussi l’échange intergénérationnel.
Le livre est sur deux époques, autour de deux femmes qui se rejoignent. Ce fameux cheesecake et cette recette secrète de la tante de Marie forment une jolie histoire.
Un gâteau tellement bon et généreux que l’on s’arrête de penser aux problèmes sur l’instant.
Dès que la première bouchée entre en contact avec nos papilles gustatives, le cœur, le cerveau et notre corps se mettent en pose et profitent du moment présent. Le gâteau apaise comme un baume.
On s’écoute et on tait les rancœurs.
C’est une belle idée, car le principe de cette recette est de ne jamais dévoiler les ingrédients pour un simple profit commercial. Cette recette doit aider à se trouver.
On entre dans la transmission filiale et dans l’évolution de l’individu et du partage.
J’ai choisi ce roman pour sortir de mes lectures habituelles et j’ai été très surpris par la qualité narrative de l’auteure.
Elle s’est donnée beaucoup de mal pour réussir à lier tous les membres de la famille sur plusieurs générations et surtout les faire se retrouver même plusieurs dizaines d’années après.
C’est aussi le petit bémol qui concerne ce roman. Presque six cents pages pour que tout le monde soit dans l’histoire, c’est un peu long.
Malgré tout, on est embarqué dans une ambiance et le contexte historique des États-Unis à cette époque incroyable.
On vit, aux côtés de Marie, la période de la prohibition. On observe ses frères qui grattent leurs fins de mois en participant à un petit réseau de contrebande d’alcool au sein de leur Pub.
Un bon moment à passer.
La pâtissière de Long Island de Sylvia Lott Éditions J’ai Lu
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